CIVIL (DROIT)

CIVIL (DROIT)
CIVIL (DROIT)

Le droit civil a pour objet de régler les rapports qui s’établissent entre les citoyens. Ces rapports sont d’ordres multiples et déterminent les différentes parties que comporte le droit civil. Une classification schématique, analysant le contenu du droit civil, y distingue cinq groupes de matières.

Un premier groupe est constitué par le droit des personnes: la loi y règle l’aptitude à être sujet de droits, et les conséquences qui s’attachent au simple fait d’être, selon le droit, une «personne»; elle établit également le régime de protection auquel sont soumis les «incapables», c’est-à-dire ceux qui, pour telle ou telle raison (minorité, aliénation mentale, internement, absence), sont hors d’état de faire valoir et d’exercer leurs droits. Une deuxième partie du droit civil est constituée par le droit de la famille: la loi fixe comment se constituent et comment peuvent être établis et prouvés, selon le droit, les rapports de famille (mariage, filiation), ainsi que les conséquences, d’ordre patrimonial ou non patrimonial, qu’ils comportent (autorité parentale, régimes matrimoniaux, obligation alimentaire). Une troisième partie du droit civil est appelée droit des biens: on y étudie le droit de propriété et les différents droits «réels», c’est-à-dire les droits (usufruit, servitudes, hypothèque) qui ne s’analysent pas en un simple rapport «personnel» d’obligations existant entre deux personnes. Une quatrième partie est le droit des obligations: il s’agit ici des rapports personnels, d’ordre patrimonial, qui peuvent être engendrés par des contrats, par des actes illicites, ou par d’autres causes variées (variae causarum figurae ). Le droit des successions, enfin, constitue une dernière partie du droit civil, la possibilité de faire un testament faisant échapper la réglementation des successions à l’emprise du droit de la famille.

Le droit civil est, en raison de ce contenu, une partie essentielle du droit. On peut, ou du moins on pouvait jadis, vivre à l’écart de la vie publique et n’avoir rien à faire avec l’administration; on peut espérer demeurer toute sa vie en dehors du droit criminel et de la procédure. On ne saurait, en revanche, échapper au droit civil; celui-ci fait de l’individu une personne, lui donne, dès sa venue au monde, un statut familial et l’intègre, bon gré mal gré, dans une famille. Dans l’existence quotidienne, tout individu est nécessairement en rapport avec d’autres; il faut respecter les droits d’autrui, passer d’indispensables contrats, chacun est amené à exiger le respect de sa personne et de ses droits patrimoniaux.

Le droit civil est à la base de la société civile et intéresse tous les citoyens. Mais l’importance du droit civil ne tient pas seulement à cette considération. Concernant la vie privée des citoyens, le droit civil s’est révélé dans l’histoire moins sensible aux vicissitudes de la vie publique que les autres branches du droit. Les juristes ont pu y développer leurs théories, y perfectionner leurs techniques sans inquiéter les gouvernants, à travers toutes les transformations qui, du point de vue politique, ont pu affecter et parfois bouleverser les sociétés. Le droit civil s’est ainsi trouvé être, parmi les diverses branches du droit, celle qui présentait le plus de stabilité, celle qui du point de vue technique a pu devenir la plus parfaite. L’enseignement du droit a été donné principalement, pendant des siècles, sur sa base, et c’est en partant des principes et méthodes du droit civil que nombre d’autres branches du droit se sont développées dans les temps modernes. Les principes mêmes du droit, sa partie générale, en sont souvent venus, de la sorte, à être exposés dans le cadre du droit civil, même si, par leur objet, ces matières ne sont pas spéciales aux lois civiles.

1. Évolution historique

Le droit civil est, pour les Français, symbolisé par le Code civil des Français, promulgué en 1804, et connu également sous le nom de Code Napoléon, qui demeure l’une des œuvres essentielles accomplies par la Révolution française. Dans tous les pays de la famille romano-germanique, des codes civils ont été promulgués, suivant l’exemple français, au XIXe et au XXe siècle. Une exception, la seule, est constituée par les pays nordiques, où l’œuvre législative de rénovation du droit civil n’a pas été moindre, mais s’est exprimée d’une autre manière, dans le cadre d’un Code général (Suède, Finlande) ou dans celui de grandes lois non intégrées à un code (Danemark, Norvège).

Origines

Avant la Révolution, la France n’avait pas de Code civil. Les rapports entre citoyens étaient réglés en partie par le droit canonique (pour tout ce qui concernait le sacrement de mariage), en partie par des coutumes régionales ou locales, dont les rois de France avaient prescrit la rédaction par écrit, mais auxquelles ils n’avaient, pour réaliser l’unification du droit, apporté de modifications que sur des points particuliers. Le droit romain, toutefois, introduisait dans cette diversité un élément d’uniformité. À travers l’œuvre des universités et de la jurisprudence, ce droit a exercé, dans toute l’Europe continentale, une influence considérable, parvenant presque à uniformiser la partie du droit relative aux obligations notamment. Le nom même de droit civil témoigne de cette importance; il est la traduction de l’expression latine jus civile qui, après de nombreuses vicissitudes, a fini, au XVIe siècle, par désigner l’œuvre législative de l’empereur Justinien (Corpus juris civilis ).

Dans cette œuvre considérable, on trouvait, à vrai dire, des dispositions concernant toutes les matières du droit; le droit des citoyens (jus civile ) de Rome avait cessé de s’opposer à un droit des rapports entre citoyens et non-citoyens (jus gentium ), et il recouvrait désormais non seulement le droit privé mais l’ensemble du droit romain. Dans le Corpus juris civilis cependant, après la renaissance des études de droit romain, une sélection a été opérée par la doctrine. On a laissé de côté les règles intéressant droit public, droit criminel ou procédure, qui étaient liées à une organisation politique ou sociale défunte. L’attention s’est concentrée sur les règles, au demeurant beaucoup plus nombreuses et plus élaborées, qui intéressaient les rapports entre particuliers; elles seules étaient encore susceptibles d’être appliquées, ou pouvaient du moins fournir sa base à un développement du droit dans les sociétés nouvelles. Le jus civile , de la sorte, a été réduit au seul droit privé.

Le droit civil moderne

Le droit civil moderne est plus compréhensif que ne l’a été le jus civile , enseigné sur la base des compilations de Justinien dans les universités d’autrefois. Le Code civil, confirmant la sécularisation du droit opérée par la Révolution française, a réglé de fait certaines matières qui ressortissaient auparavant au droit canonique; il a, d’autre part, mettant fin à la diversité des coutumes, réglé des matières, tel le régime des terres, où le modèle du droit romain n’avait pas été reçu. Le droit civil moderne a retrouvé ainsi une certaine unité, qui avait été rompue au cours de l’histoire; il a cessé d’être confiné aux parties du droit romain qui n’avaient pas été atteintes par la désuétude, pour devenir, dans chaque pays, le droit réglant les rapports entre citoyens de ce pays.

Il s’est produit la même évolution qu’en France dans les autres pays qui ont reçu la tradition romaine et qui se sont ralliés à la formule de la codification: aujourd’hui, on peut dire que dans ces pays l’expression «droit civil» est devenue synonyme de «droit privé». Cette affirmation toutefois demande à être précisée; elle appelle d’autre part certains correctifs.

2. Les frontières du droit civil

Droit civil et droit public

Le droit civil peut être défini comme le droit qui règle les rapports entre des particuliers. Il est certain, pourtant, que son influence et son domaine d’application dépassent de beaucoup cette formule. Le droit civil constitue, pour les rapports entre les citoyens et l’administration, une sorte de «raison écrite»; ses règles sont donc suivies, lorsqu’il s’agit de ces rapports, dans toute la mesure où il n’existe pas quelque considération spéciale conduisant à y déroger. Bien plus: en nombre de cas, les lois ont déclaré que tel établissement public, telle «société nationale» étatisée verrait son activité gouvernée par les règles du droit privé. Il peut ainsi se produire, et il se produit souvent, une extension du droit civil dans le domaine du droit public. La chose devenait particulièrement remarquable dans les pays où l’économie était collectivisée. Le droit civil ne vit pas son domaine se rétrécir du seul fait de cette collectivisation; les rapports entre les entreprises étatisées ou collectivisées demeurèrent au contraire, en règle générale, réglés conformément aux techniques du droit civil, et l’on pouvait dire que celui-ci y était devenu une branche du droit public.

Droit civil et procédure civile

En Europe, d’autre part, différentes matières ont été, selon la tradition, constamment distinguées du droit civil: la procédure civile et le droit international privé d’un côté, le droit commercial de l’autre.

Le procès civil peut bien établir et constituer un rapport entre deux citoyens. On a néanmoins, de façon constante, séparé les deux domaines du droit civil et de la procédure civile. Historiquement, la raison principale en a sans doute été que le droit civil seul semblait être fondé sur des règles de justice ayant une portée universelle; la procédure civile, matière étroitement liée à l’organisation judiciaire de chaque pays, apparaissait comme relevant du droit public et de l’administration autant et plus que du droit privé. Cette tendance à distinguer du droit civil la procédure civile est renforcée à l’époque actuelle, où l’on met l’accent sur l’importance que revêt, dans le procès civil, l’intervention du juge; une forte tendance se manifeste de ce fait à regarder la procédure comme relevant du droit public.

Droit civil et droit international privé

Le droit international privé est de même, selon la tradition, distingué du droit civil. On peut avancer plusieurs explications. Pour certains, le droit international privé, dont l’objet est de délimiter l’aire d’application des lois (conflits de lois) ou la compétence des tribunaux (conflits de juridictions), est une matière qui relève du droit public, et non du droit privé; il est dès lors naturel de l’exclure du domaine, aujourd’hui réduit au droit privé, qui est celui du droit civil. D’autres, faisant revivre la tradition, voient dans le droit civil un droit essentiellement national, fait pour régler les seuls rapports de droit internes; le droit civil ne saurait englober le droit international, lequel doit être conçu comme un jus gentium transnational par son essence. Quelle que soit la valeur de ces arguments, il demeure vrai que, en de nombreux pays, le Code civil même (France) ou la loi d’introduction du Code civil (Allemagne) contiennent des dispositions législatives ayant trait aux rapports de droit internationaux, mais même dans ce cas la doctrine distingue les deux matières que le législateur a confondues.

Droit civil et droit commercial

Si l’autonomie de la procédure civile et celle du droit international privé sont unanimement admises, celle du droit commercial par rapport au droit civil a, en revanche, été contestée par beaucoup. La distinction procède, à son origine, du besoin qu’ont éprouvé les marchands et les gens de mer de s’organiser sur un plan professionnel et international, en affranchissant le commerce des entraves réelles que lui imposaient des réglementations territoriales trop variées et archaïques. Le droit commercial a dans une large mesure perdu son originalité quand les autorités nationales, ici et là, se sont immiscées dans cette réglementation, et l’ont nationalisée. De nombreux pays, dont la France, se sont néanmoins conformés à la tradition en promulguant des codes de commerce distincts des codes civils. En revanche, certaines codifications ont remis en question le bien-fondé de la distinction entre droit civil et droit commercial; le Code civil italien de 1942, en particulier, a réalisé l’unification du droit civil et du droit commercial, que préconisaient de nombreux juristes. La distinction demeure toutefois valable aux yeux de beaucoup d’autres, compte tenu notamment de la mesure croissante dans laquelle l’État intervient en matière de commerce; le «droit des affaires» échappe largement au droit privé, et donc au droit civil, pour être régi par des dispositions de droit public (règles d’organisation du commerce, prescriptions fiscales).

Droit civil et droit social

Une autre branche du droit, pour cette même raison, s’est diversifiée, et voit reconnaître en nombre de pays son autonomie par rapport au droit civil: il s’agit du droit social, aujourd’hui divisé en droit du travail et droit de la sécurité sociale. L’intervention de l’État, la nature des problèmes traités et l’esprit de solidarité collective qui inspire ces branches du droit ont rendu souhaitable de les soustraire à l’emprise d’un droit civil, qui demeure dominé par des considérations d’intérêt privé et profondément marqué par l’esprit individualiste.

Il convient pourtant sur ce point d’être circonspect. On peut bien considérer le droit civil comme le droit des relations qui s’établissent entre personnes privées, mais sa réglementation n’a jamais été abandonnée pour autant à l’entière liberté des intéressés, et moins que jamais aujourd’hui. Les droits, à commencer par le droit de propriété, ont cessé d’être considérés comme des prérogatives absolues, que leurs titulaires pouvaient exercer de façon égoïste, sans souci de l’intérêt général. Des mesures de contrôle sont intervenues, multiples, dans le domaine de l’économie; des changements substantiels se sont produits également en ce qui concerne la manière de considérer les rapports de famille, la responsabilité civile, le crédit. Le droit civil n’est en aucune façon un droit statique, ni un droit laissé à la discrétion des particuliers. Comme les autres branches du droit, il est le reflet d’une société qui évolue; il doit être constamment adapté aux conditions et aux vues qui sont celles de cette société. Le droit civil a pu parfaitement avoir une inspiration collectiviste, même s’il est difficile pour des juristes habitués à une autre philosophie de le concevoir. La notion de droit civil ne fut pas répudiée dans les États du continent européen qui s’étaient engagés dans la voie du communisme; elle était sensée subsister aussi longtemps qu’on ne serait pas parvenu, en remodelant la conscience des hommes, à se passer de toute contrainte dans l’aménagement des rapports sociaux.

3. Le droit civil dans les anciens pays socialistes

La notion de droit civil fut cependant reconsidérée à la suite des événements qui amenèrent au pouvoir, en divers États de l’Europe centrale et orientale, des gouvernements désireux de bâtir une société communiste. La Russie de 1917 connaissait la notion de droit civil, mais n’avait pas encore de Code civil. Au lendemain de la révolution, dès 1918, un Code de la famille y fut promulgué pour donner effet aux principes nouvellement proclamés de séparation de l’Église et de l’État et de sécularisation du mariage. Lorsqu’il fut décidé, en 1922, de promulguer un Code civil, on ne toucha pas à cette œuvre, de sorte que le droit de la famille continua à être regardé, en U.R.S.S., comme distinct du droit civil. Un autre code spécial, appelé Code agraire, fut également promulgué en U.R.S.S. en 1922, et l’on y a depuis lors admis l’autonomie du droit agraire vis-à-vis du droit civil. Le Code civil, promulgué en 1964 en Russie soviétique, a le même contenu que le Code civil de 1922.

Deux questions se sont posaient dans les États socialistes d’Europe, concernant la notion de droit civil. La première était de savoir s’il était souhaitable d’abandonner la notion large de droit civil, traditionnelle dans les pays d’Europe occidentale, pour adopter l’idée plus étroite formée en Union soviétique. La seconde a été de savoir si le domaine du droit civil ne devait pas être encore rétréci, en lui soustrayant certaines catégories de rapports qui seraient réglés dans une branche nouvelle du droit, appelée droit économique.

Droit civil et droit de la famille

La première question ne paraît pas avoir jamais été posée en Union soviétique même. Il n’y a jamais eu en Union soviétique de Code civil embrassant l’ensemble des rapports de droit privé. La solution adoptée au lendemain de la révolution peut bien avoir été due à des circonstances spéciales, ou même avoir été l’effet d’une improvisation. On n’eut jamais aucune raison de la rejeter, et l’on trouva bien au contraire dans la doctrine marxiste-léniniste des raisons de s’y tenir, du moins en ce qui concerne la distinction du droit de la famille et du droit civil: laissons les bourgeois, pour qui l’argent seul compte, régler dans un même code les rapports de la famille et les rapports patrimoniaux. Cette confusion choquante ne serait pas commise dans un État socialiste: deux codes s’imposent; c’est dans le Code civil que sont réglées les relations d’ordre patrimonial qui peuvent résulter des liens de famille, tout au moins le droit des successions.

Après de longues discussions en certains pays, le modèle soviétique finit par être adopté dans tous les pays européens d’obédience marxiste-léniniste. Le droit de la famille (mariage, filiation, tutelle) n’a pas été réglé dans les nouveaux Codes civils que se donnèrent alors la Hongrie, la Pologne, la Tchécoslovaquie.

Par une curieuse coïncidence, en adoptant cette solution, on revenait dans des États laïcs à la manière de voir qui était celle de la France dans l’Ancien Régime, et qui demeure celle des États non laïcisés. En Italie, en Espagne, en Grèce, l’autorité du droit canonique est reconnue par l’État en certaines matières qui intéressent le droit de la famille, et le droit civil cesse, du fait de cette concurrence, de représenter l’ensemble du droit privé. Il en va de même également dans les pays musulmans où l’on n’a pas voulu que le droit civil empiète sur un domaine qui devait demeurer réservé au droit religieux (châ‘ria ) et où les matières relevant du «statut personnel» sont demeurées en dehors de la réglementation des Codes civils. En Inde, en Indonésie, en Afrique noire et à Madagascar, le droit civil a été, de façon semblable, limité aux matières de droit privé qui étaient réglementées par un droit «moderne» importé d’Europe; son domaine, évitant d’englober les matières de «droit traditionnel», n’embrasse pas l’ensemble du droit privé. Le paradoxe veut qu’ici le droit civil soit en quelque sorte un jus gentium , opposé aux coutumes traditionnelles dont l’autorité est restreinte aux rapports entre membres d’une même communauté.

Droit civil et droit économique

La question de l’unité ou du partage du droit civil et du droit économique ne fut jamais résolue uniformément. Les rapports entre les entreprises commerciales ou industrielles qui ont été collectivisées sont de façon générale réglés par des contrats passés entre ces entreprises; mais ces contrats eux-mêmes étaient gouvernés par un plan économique, à l’exécution duquel ils avaient pour fonction de concourir. La subordination au plan des rapports qui se nouaient entre les entreprises étatisées ou collectivisées conférait un caractère très particulier à ces rapports, et l’on a pu se demander s’ils devaient continuer à être réglés par le droit civil, étant donné que la planification, elle, était une tâche de l’administration. Au terme de longs débats, on donna à cette question, en Union soviétique, une réponse affirmative. La même attitude fut adoptée en Hongrie et en Pologne, où les rapports entre les entreprises étatiques furent, dès lors, régis en principe, comme en U.R.S.S., par les dispositions des Codes civils. La république socialiste de Tchécoslovaquie adopta une attitude inverse et promulgua, à côté du Code civil, un Code économique indépendant. La différence, ainsi accusée sur le plan de la législation, disparaissait toutefois sur le plan de la science: en U.R.S.S., à l’Institut de l’État et du droit, une section spéciale s’occupait de la recherche en matière de droit économique, celui-ci posant des problèmes différents de ceux du droit civil.

Lors même que l’on rejetait la notion de droit économique dans son application aux entreprises industrielles étatisées, on excluait du Code civil, en Union soviétique et dans les autres pays socialistes, le droit des coopératives agricoles et des fermes d’État. Nulle raison de doctrine n’a été donnée pour justifier cette exclusion. La raison s’en trouve apparemment dans le fait que les principes nouveaux, admis en la matière, ne pouvaient trouver une base satisfaisante dans les principes traditionnels du droit civil. La réglementation établie présentait un caractère entièrement nouveau; on a jugé raisonnable, dans une période qui se voulait d’expérimentation, de la laisser en dehors du corps plus stable du Code civil. Pour une raison analogue, dans tous les pays, la matière nouvelle de la propriété littéraire et artistique fut traitée en dehors des Codes civils, bien que l’on reconnaissait en théorie qu’elle relevât du droit civil. Les motifs idéologiques qui commandaient ces solutions ayant disparu avec le retour de ces États aux règles de l’économie de marché, on peut vraisemblablement s’attendre à une différenciation accrue de ces deux droits comme en Occident.

4. Rejet de la notion de droit civil par la «common law»

La notion de droit civil, fondamentale aux yeux des juristes de l’Europe continentale, ne se retrouve pas dans les pays de common law. Quand on parle en Angleterre de civil law , on entend par là non pas le droit civil, mais bien plutôt le droit romain vu à travers le Corpus juris civilis. L’expression civil law est aussi employée pour désigner les droits de la famille romano-germanique, et il arrive enfin qu’elle désigne le droit national d’un pays quelconque, n’appartenant pas à la famille de la common law. En dehors de l’Angleterre, les mots civil law peuvent toutefois être, à l’occasion, employés dans leur sens français de droit civil; il en est ainsi dans la province de Québec et en divers États des États-Unis où existent des «codes civils».

Comment expliquer le rejet, en Angleterre, de la notion de droit civil? La chose est due à l’importance primordiale qu’ont eue dans ce pays, pendant des siècles, les actions par lesquelles l’on pouvait saisir les cours royales. L’attention des juristes s’est concentrée sur ces diverses procédures (forms of action ), et ce sont celles-ci qui ont donné ses cadres à la common law . Nulle procédure d’application générale n’existait pour régler les rapports entre particuliers; on a donc ignoré la catégorie du droit civil. À ces raisons s’ajoute le fait que, dans les procédures variées offertes aux Anglais, il n’y avait pas lieu de distinguer selon que l’action mettait aux prises des particuliers seulement, ou bien intéressait une collectivité locale ou la Couronne même. L’effacement des frontières entre droit public et droit privé a eu pour résultat de ne pas faire reconnaître l’existence d’un droit civil, auquel ne pouvait être opposé un droit administratif.

Encyclopédie Universelle. 2012.

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